James Cameron, Le rêveur
© Photo : Alex de Brabant
Rédigé par : Abel BERGER
Le cinéma est un art pour le moins atypique, requérant un budget souvent colossal, une équipe nombreuse et une multiplicité de techniques et de spécialisations qu’un individu seul ne peut posséder. On peut parfois se demander si un réalisateur doit réellement être considéré comme un artiste à part entière plutôt que comme un chef de projet glorifié, avec certes une vision, mais dont la légitimité et la valeur peuvent être remises en question. Un réalisateur mérite-t-il la totalité des louanges si son film est un succès, au détriment des centaines de techniciens presque anonymes qui resteront à jamais une masse informe de lettres blanches sur fond noir de générique (que personne ne lit, soit dit en passant) ? Probablement pas. Néanmoins, nombreux sont les réalisateurs à mériter amplement le titre d’artiste. Parmi eux, un homme a su se démarquer par sa créativité, sa curiosité, et, d’une manière générale, son talent.
Tout amateur de cinéma qui se respecte se doit de connaître James Cameron. De Terminator à Avatar en passant par Aliens et Titanic, il est indéniable que Cameron est un grand cinéaste. Mais ce qui nous intéresse aujourd’hui n’est pas sa filmographie à proprement parler, mais plutôt son art en général. Et son art débute durant son enfance. Le jeune James passe alors tout son temps à lire, à écrire des histoires et à dessiner. Prenant des cours de dessin, il montre rapidement un grand talent dans ce domaine, et s’amuse à écrire et dessiner des bandes-dessinées inspirées des comics de superhéros Marvel ou de romans de science-fiction comme Le Choc des mondes. Le jeune garçon participe aussi à la vie de sa commune au Canada. Ainsi, il remporte plusieurs années de suite le concours annuel de décoration de vitrines, et dessine le portrait de son voisin, un soldat disparu au Vietnam, afin de récolter des fonds. L’ombre de la guerre plane en effet durant toute la jeunesse de James Cameron, et l’imaginaire collectif en pleine guerre froide se tourne souvent vers la crainte d’un holocauste nucléaire. Cette imprégnation continue mènera rapidement le réalisateur en devenir vers ses sujets de prédilection : l’homme est un loup pour l’homme, la nature doit être préservée, et la technologie est un outil qui peut aussi bien sauver que détruire.
Jeune adulte, Cameron se sert de ses talents d’artiste pour entrer dans la vie active. Arrivé aux États-Unis, il commence à gagner sa vie en dessinant des affiches de films de série B. Très compétent, il trouve l’inspiration pour ses affiches dans le surréalisme et parfois la Renaissance. Il vend alors deux affiches par mois. Il trouve presque instantanément l’inspiration pour chaque affiche, et il ne lui faut généralement pas plus de deux jours pour compléter son travail, profitant du reste de son temps libre pour écrire, réaliser des courts-métrages et démarcher divers studios. Il se fait plus tard engager dans l’atelier de maquettes de la New World Pictures, et y fait notamment du matte painting (peinture de paysages pour les décors) pour John Carpenter, le maître de l’horreur en personne.
On lui confie finalement en 1982 la réalisation du film Piranha 2, un film si mauvais qu’il fera tout pour que son nom n’y soit pas associé. Deux ans plus tard, il se fait enfin connaître (en bien) pour son film Terminator, qui sera le début d’une grande carrière.
L’idée du film lui serait venue lors d’un rêve, où il aurait vu un squelette de métal émerger des flammes. À son réveil, il aurait noté son rêve, et aurait tenté d’y trouver une explication. Pour lui, si le squelette chromé avait une apparence humaine, c’est qu’avant que sa peau ne fonde, la créature devait se faire passer pour un humain. Le Terminator était né.
Son processus créatif ressemble grandement aux débuts de la psychanalyse, et de l’analyse des rêves en général. Freud et Jung eux-mêmes faisaient régulièrement des siestes dans le but de noter leurs rêves à leur réveil puis de les interpréter. Débarrassés de leurs limites physiques et rationnelles, les rêveurs deviennent ainsi capables d’une grande créativité. Mais la créativité de James Cameron sait également être très rationnelle, voire même scientifique.
Tout d’abord, il est très important de noter que James Cameron ne fait pas « que » réaliser, il dessine pour chaque film de très nombreux storyboards et concept arts afin de partager au mieux sa vision avec son équipe. De grands messieurs des effets spéciaux tels que Stan Winston et les frères Skotak plaisanteront d’ailleurs sur le fait que leur travail d’invention de designs était généralement prémâché par Cameron, mais que ses demandes étaient excessivement complexes à exécuter, un excellent exemple étant la reine dans Aliens. Les designs de faune et de flore extraterrestres de Cameron ont toujours un fond scientifique. En effet, il est important pour le réalisateur que ses créatures imaginaires soient crédibles d’un point de vue biologique : ce sont des êtres avec des organes, des méthodes de chasse ou de reproduction, et qui interagissent avec leur environnement. Par exemple, il a conçu la reine des aliens en ayant en tête leur système de reproduction : on voit des œufs dans le premier film mais ils ne semblent pas être pondus par les xénomorphes « classiques » qui préfèrent parasiter leurs proies. Il en a donc déduit que ces êtres devaient avoir une société similaire à une ruche, avec une reine au sommet. De même, il était important pour lui que les vêtements et outils des Na’vi dans Avatar soient constitués de matières premières que les spectateurs pourraient voir sur la planète Pandora. Enfin, pour son film Titanic, il a effectué quatorze plongées avec son équipe afin de récolter un maximum d’images du bateau par souci de réalisme.
James Cameron est également intéressé par les nouvelles technologies. Il a fait modifier une caméra spécifiquement pour qu’elle puisse résister à de fortes pressions pour des scènes aquatiques, pour chacun de ses films il essaie de faire progresser les technologies d’effets spéciaux, le plus flagrant étant Avatar, et il a même piloté un sous-marin qu’il a partiellement conçu.
En conclusion, en choisissant de ne pas se concentrer sur les scénarios ou la réalisation de James Cameron, nous avons pu mettre en avant ses autres qualités. On peut donc affirmer avec une marge d’erreur assez faible que sa carrière est vaste et ses talents nombreux. Il est un créatif, un touche-à-tout, un grand dessinateur, cinéaste, scénariste, inventeur, bref, un grand artiste.